Histoire
En remontant l’Orbieu juste à l’aval des gorges le cirque de Montjoi s’entoure de puissantes roches. Au nord la masse compacte du Frayzié s’élève de 400 mètres au dessus des champs et du village. Sur la partie haute de son versant des éboulis et une falaise encore aujourd’hui fréquentée par l’aigle royal. En avancé, adossé à la falaise un lourd cylindre rocheux s’érige comme l’énorme silhouette d’un guetteur impassible d’un dieu imperturbable, protecteur ou menaçant ?
Le village s’est d’abord installé en contrebas près de la source abondante de La Gaillarde et d’un replat de bonnes terres. Bel et bon endroit sous la garde du Monsjovis, la montagne de Jupiter. Le village Gallo romain a pris le nom du site devenu aujourd’hui Montjoi (prononcez Mounjoï en occitan). A La Gaillarde le sol tant de fois retourné libère encore quelques tegulae, culs d’amphores, débris didolium.
De longs siècles s’écoulent. La majestueuse roche n’a plus de nom propre. Elle n’est plus désignée que par un diminutif ridicule Le Picou, le petit pic.
Le dieu oublié se vexe, trépigne, s’ébroue et délègue quelques tones de roches chargées de rapeler leur histoire aux Montjoviens. Ceux-ci préfèrent faire table rase du passé. Le village se déplace de quelques centaines de mètres, près d’une maigre source mais à l’abri des éboulements, sur un éperon en promontoire qui surplombe l’Orbieu.
Le pieux XVII siècle bâtît une église, l’orne d’un splendide retable baroque : il faut donner de la substance à la foi. L’usure du temps, là aussi, aura raison des coutumes et croyances qui s’étiolent peu à peu. Après la déprime agricole restent quelques vieux paysans pour perpétuer et transmettre un peu de l’esprit « monjoienc » (c’est de loccitan). Mais ils ont gardé assez d’humour pour rafraichir la dialectique mémorielle. En témoigne cette légende blagueuse destinée aux enfants, aux touristes ahuris, aux « estrangers » crédules. Dernière trace d’un monde enchanté : « Le Picou il bouge plus. Il est enchaîné. Ici il y avait du fer. Les anciens ils savaient forger. La chaîne est solide. N’ayez crainte ça va pas vous tomber dessus » ça marche !
Doit-on à ce pittoresque le toponyme de Montjoi, MonsJovis, Montagne de Jupiter ?
Cette appelation d’origine latine n’est peut être pas scientifiquement garantie. C’est un choix le reflet de goûts et d’humeurs. Cela vient du sentiment que le terme de Montjoyeux pour désigner les habitants est un tantinet ridicule. Il ne fait pas le poids face au latinisme monjovien ou à l’occitan monjoïenc.
Si vous avez envie d’en savoir plus sur le lexique des noms de lieux de notre région, procurez vous le livre exceptionnel parut en 2014. Exceptionnel par l’énorme travail de recherche, le sens du réel et de la vie qu’il redonne à la science onomastique. Une source qui retrouve son sens, sa profondeur, son utilité. La démonstration qu’un travail en appui sur le local, sur notre local peut avoir une force capable d’oxygéner la conscience mondiale. Les monsjoviens et d’autres informateurs dans le canton peuvent en péter de fierté puisqu’ils ont eu leur part dans cette œuvre. C’est par la multitude d’initiative locales que la société a une chance de se régénérer. Cette œuvre nous le dit, elle dit l’exigence, la qualité du travail à entreprendre. A bon entendeur, Salut ! CS
Claude Pla – TERMENèS FLEUR D’Epine – Toponymie et microtoponymie d’un ancien pays de l’Aude. Collection Nominoergosum (je nomme donc je suis). Préface de Pierre Henri Billy. L’Harmattan
Ouvrage disponible à la bibliothèque de Montjoi.